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L'Antre du Maître Groumph
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L'Antre du Maître Groumph
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14 juin 2009

Le Chevalier de Ronces et de Rouille prologue part 1

Ça faisait longtemps que je n'avais pas écrit de texte sur ce blog. C'est tout simplement que je travaillais  d'arrachepied sur ce projet. J'espère que ce texte vous plaira, vous donnera envie de lire la suite, et que vous m'aiderai par vos commentaires à le rendre meilleur.
D'avance merci.
Votre humble hôte Maitre Groumph   

Prologue part 1

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La nef filait bon train, emportée par un vent puissant. L'équipage alerte se méfiait des récifs traîtres qui bordaient les côtes de Bretagne. Il s'agissait du passage le plus périlleux de leur voyage. Le capitaine avait donné des instructions claires: aucune goutte d'alcool pour l'équipage; et tous étaient de quart afin de répondre immédiatement en cas de manœuvre pour éviter les récifs. Les marins attendaient silencieusement des réactions de la vigie. La tension était palpable mais des cales remontaient des bruits de beuverie et de fête qui avaient le don de frustrer l'équipage. En fait leur cargaison était composée de chevaliers et d'écuyers qui, après avoir libéré le Saint Sépulcre, retournaient dans leur domaine en Bretagne. Ils rentraient chez eux le cœur en liesse, certains d'avoir accompli leur sainte mission et donc d'avoir acquis prestige, renommée et plus que tout, d'être lavés de leurs péchés comme des nouveaux-nés.

Dans la cale, à la lueur de multiples lanternes se tenaient une cinquantaine d'hommes. Ils portaient  la croix sur leur tenue usée. Ils avaient tous répondu à l'appel d'Alain Fergent ,le duc de Bretagne, qui leur avait demandé de participer à la sainte croisade afin de ramener le Saint Sépulcre dans le giron de la chrétienté. Ils avaient traversé les Balkans, pillé Budapest au passage, puis étaient descendus vers la Palestine, rasant tous sur leur passage, pourchassant tous les mahométans qui avaient le malheur de croiser leur chemin. Finalement, après de longues années de combats, ils avaient pris la ville sainte entre toutes : la grande Jérusalem. Ils avaient ainsi pu voir et même baiser pour les plus preux la Sainte Croix, relique des reliques, celle même où Jésus Christ fut crucifié. Ils fêtaient leur retour au pays tant attendu.

Ils avaient la chevelure clairsemée à force d'avoir porté le heaume et le camail pendant cinq années ,quasiment sans interruption, la peau brulée par le soleil de Judée, et tous portaient les cicatrices de ces précédents combats. Ils portaient toast sur toast à leurs compagnons tombés si loin de chez eux, et à leurs épouses qui les attendaient et à toutes les demoiselles de Bretagne. Certains dansaient tout en chantant des airs du pays, d'autres dormaient déjà ivres morts. Maël de Cournouailles, leur suzerain, qui n'était, pas en reste par rapport à ses compagnons, était parti dans une grande discussion avec son lieutenant et ami de toujours, Guénodé, sur la façon dont ils devraient entrer dans Quimper. Maël voulait rentrer en un défilé triomphant. Guénodé, quant à lui été pour plus d'humilité, prétextant qu'ils n'avaient fait que leur devoir. Tandis que Maël se resservait une nouvelle chope de vin, il s'aperçut qu'il manquait quelqu'un à la fête : son cousin Ban de Landeleau ne participait pas à la liesse, comme souvent a vrai dire. Il le railla, maudissant son amertume, et reprit sa discussion avec Guénodé :

"Et si on entrait tous en robe blanche, comme en trimonie, derrière Monseigneur l'évêque Cirdec portant la relique de Saint Tolé? "

Guénodé marqua son désespoir par un long silence puis, comme pour couper court à cette discussion, entama un chant pieux breton en l'honneur du saint. Ce qui n'empêcha pas Maël de continuer sa conversion.

"- A ton avis, qui sont les plus chanceux, nous qui rentrons en héros au pays ou nos compagnons tombés au nom de Dieu qui on rejoint le paradis accompagnés par les anges? Je me demande si ce ne sont pas eux les plus heureux aujourd'hui.   

- J'ignore s'ils sont heureux là-haut, mais à mon avis se sont ceux qui sont restés au pays les plus chanceux. Nous sommes partis depuis bien longtemps et nous avons dû rater beaucoup de choses, bonnes ou mauvaises et, personne ne nous rendra ce temps-là, tout comme personne ne rendra leur époux, fils, ou père aux familles de nos morts."

Sur ces mots, Guénodé se leva, las de cette conversation et décida de prendre l'air. Il emprunta une échelle qui le mena sur le pont et senti pour la première fois depuis fort longtemps l'odeur si familière de sa chère Bretagne. Il y trouva les marins à leur poste, réagissant comme un seul homme aux ordres de leur capitaine, ajustant les voiles pour changer de cap. Il trouva enfin l'objet de sa venue sur le pont. Un chevalier se tenait appuyé sur le bastingage, le regard perdu au loin. Il avait délaissé la cotte d'arme blanche portant la croix écarlate pour reprendre ses propres armoiries : écartelé de vert et de brun à un loup d'argent. Ses cheveux mi-long bruns flottaient en mèches  au vent.

"-Toujours pas motivé à te détendre un peu, Ban ?

- Non, je regrette. Mais que cela ne gâche pas votre fête, lui répondit-il.

- Pourtant tu vas retrouver ta femme et ton enfant. Je suis sûr que c'est un solide gaillard qui saura se montrer aussi brave que son père. Tu devrais remercier Dieu de te permettre de les revoir.

- Je le sais bien, Génodé, mais j'ai l'impression d'avoir perdu quelque chose en Judée, et je ne sais quoi.

- Nous avons tous perdu de bons compagnons durant ces dernières années et je comprends ton amertume. Mais c'est la volonté de Dieu qui a testé notre bravoure et notre loyauté. Nous avons surmonté toutes Ses épreuves et accompli Sa volonté, nous pouvons être fier de notre combat.

- Et bien vois-tu, c'est cela qui me fait peur. J'ai accompli toutes les missions qui m'ont été confiées sans poser aucune question. Mais maintenant, elles m'arrivent en masse et m'obsèdent. Répond-moi sincèrement Guénodé, d'homme à homme, crois-tu vraiment que ce fut la volonté de Dieu que de piller Budapest, que d'attaquer les pèlerins Mahométans qui n'avaient aucune arme pour se défendre, de tuer des femmes et des enfants? » Ses phalanges blanchirent, crispées sur le bastingage.

« - Aurais-tu perdu la foi, mon ami? Nous avons fait notre devoir ni plus ni moins et c'était la volonté de Dieu, je n'en ai aucun doute. Mieux vaut être mort que de vivre dans l'ignorance de Dieu comme le disent les prêtres. Tu dois avoir besoin de repos. Nous arriverons demain à Concarneau. Il faudra être en forme pour les réjouissances qui nous attendent à Quimper. Et tel que l'on connait Maël çà ne va pas être discret.

- A ce sujet, je pense que je ne passerai pas par Quimper mais que je retournerai directement à Landeleau pour retrouver ma famille au plus tôt.

- Tu vas fortement décevoir ton cousin, mais il te comprendra. »

Le prenant par la taille, Guénodé tenta de l'arracher à sa contemplation.

« - Viens, allons dormir. Une longue journée de chevauchée nous attend demain.

- Pars devant, le sommeil peut encore m'attendre.

- Bon, si tu y tiens mais ne veille pas trop. Tu sais ce que l'on dit : trop penser ramollit le cerveau! »

Guénodé s'éloigna, le sourire au lèvres, satisfait de sa dernière réplique, laissant Ban à ses ombres dont les doigts parcouraient nerveusement le crucifix qu'il portait à son cou.

A vrai dire, le sommeil ne lui apportait plus aucun réconfort. Au contraire, ses rêves étaient très sombres.  Ses nuits étaient emplies des visages tourmentés de douleur de ses compagnons, de ces champs de batailles après le combat où s'étalent les cadavres enlacés des deux armées, de leurs membres tranchés éparpillés selon le dessein du Tout-puissant, des vols des corbeaux et vautours qui attendent que le site se calme pour se repaître des chairs de ces corps inanimés . De ces visages des pèlerins, traqués en ces terres rocailleuses, qui implorent leur Dieu de les aider, au comble du désespoir alors qu'ils assistent aux viols de leurs femmes et de leurs filles par un chevalier franc qui s'acquitte de cette tâche avec zèle. De tous ses hommes abandonnés de leur Dieu, qui regardent le ciel de leurs yeux devenus vitreux. De tout ce sang ,versé au nom de Dieu, qui coule en de larges rivières inondant tout, dévalant les collines, érodant même la roche. Un raz de marée écarlate qui ensevelit tout sur son passage. Parfois même, les ravines ocres de Judée se métamorphosaient en de vertes landes de Bretagne et c'était son propre fief qui finissait par se retrouver inondé de cette même marée écœurante. Impuissant, il apercevait sa femme entraînée par ces flots et disparaître sous des gerbes de sang. Il plongeait dans ce liquide opaque mais n'arrivait jamais à la rejoindre. 

Non, le sommeil et ses images cauchemardesques pouvaient bien attendre et comme chacune de ces dernières soirées, il attendrait de s'écrouler pour tenter de dormir un peu.

Il enviait l'innocence d'Eler, son écuyer qui le suivait depuis ses quinze ans et qui devait dormir comme un bébé à présent, probablement  ivre. Depuis que son autre cousin  Néven, le seigneur de Spézet le lui avait confié pour qu'il lui assure son apprentissage, il l'avait toujours  fidèlement servi. Il était comme les autres croisés qui restaient convaincu du bien fondé de leur mission. Malgré le sang versé, il gardait  le cœur léger et l'âme pure. Ban ne voulait pas lui partager  ses doutes pour l'épargner de cette souffrance. Bientôt, ayant montré force et courage durant la croisade , il serait adoubé et partirai suivre son propre chemin. Ban demanderai demain à Maël de le faire chevalier pour le récompenser.      

Comme prévu la nef atteignit le port de Concarneau dans le courant de la matinée suivante. Tous avaient le cœur en fête de rejoindre leur terre natale. Maël descendit le premier, s'agenouilla sur le sol qu'il baisa passionnément comme on embrasse une femme que l'on désire ardemment. Puis il leva son visage vers le ciel et cria :

« - Dieu ! Ô Dieu tout puissant, Maître de la terre et des hommes, ton armée est de retour au pays. Bénis les hommes qui se sont battus en Ton nom et ont accompli ta volonté. Fais que Ta gloire rayonne sur eux, que leurs exploits soient loués pour l'éternité et que leur descendance soit prolifique. Pour Dieu et pour l'honneur de la Bretagne!

- Pour Dieu et pour l'honneur de la Bretagne! » reprirent tous ses hommes d'une seul voix. S'ensuivirent les hourras de la foule.

« - Vous pouvez débarquer mes braves, que ce moment soit le vôtre !

- Vive Maël de Cornouaille! Vive Alain Fergent de Bretagne! Vive la Bretagne! » reprirent ses hommes encore plus fort sous les vivats de la foule.

La troupe débarqua en musique suivie de leurs montures et bagages. Le port était empli d'une foule dense. Les ménestrels jouaient les airs traditionnels à la cornemuse et à la bombarde, des bateleurs jonglaient et faisaient leurs tours de passe-passe pour amuser la foule. On fit sauter les couvercles d'une centaine de barriques de chouchen qui coula alors à flot pour remplir toutes les chopes vides. Et pleines, elles ne le restaient pas longtemps. Les hommes purent boire à satiété le nectar du pays. Les joues rougirent, les yeux pétillèrent, les rires et les larmes de joie pleuvaient  en trombes. Certains chevaliers retrouvèrent dans le port leurs épouses qu'ils enlacèrent et baisèrent prestement, d'autres trop jeunes au moment du départ pour être mariés firent les paons pour séduire les jouvencelles qui leur tendaient des couronnes de fleurs des champs fraîchement cueillies. On rôtit plusieurs cochons sur place et tous firent ripaille dans l'allégresse; mis à part Ban qui comme à son habitude resta en retrait.

En milieu d'après-midi, après avoir digéré et cuvé la nourriture et l'alcool consommés en abondance, Maël fit sonner le rassemblement. Les chevaliers et soldats se relevèrent doucement et  réunirent leurs affaires. Ban profita de ce dernier moment de répit pour parler à son cousin.

« - Maël, j'ai deux chose à te demander.

- Ah oui, et quelles sont telles je commence à me méfier avec toi mon doux cousin, lui répondit Maël avec le sourire en coin et les yeux pétillant de l'affection qu'il lui portait.

- La première et que je te demande d'adouber Eler. Il a vingt trois ans et bien qu'il soit encore jeune, il a maintenant fait largement ses preuves au combat, et à vrai dire je n'ai plus grand chose à lui enseigner. Prends le à ton service, Il te sera toujours fidèle.

- C'est un bon combattant, et tu as été un bon maître pour lui. Tu lui as appris l'honneur, la tempérance, et le maniement des armes, ce sera assurément un très bon chevalier. Nos rangs se sont clairsemés par les combats, je vais avoir besoin de renfort parmi mes hommes. Je l'adouberai à Quimper lors des festivités à venir et le prendrais dans ma garde. Voilà pour ta première requête, elle était plutôt facile mais qu'elle est ta seconde ?   

- La seconde et bien … Ban marqua un temps d'arrêt pour trouver ses mots. Je regrette mais je ne viendrai pas à Quimper. Je souhaite partir de suite pour Landeleau retrouver ma famille. Il me tarde trop de m'assurer que tout va bien là-bas.

- Par St Georges, faut-il que j'ordonne à ces hommes de te retenir ? Tu me demande t'adouber ton écuyer et tu ne viendra même pas à la cérémonie ? Tu t'es montré des plus braves durant les combats, c'est toi plus que quiconque qui mérite d'être honoré ce soir.

-  Je n'ai fait que mon devoir et ne mérite aucune récompense. Et en aucun cas je ne souhaite lever mes armes contre mes frères. Mais je te le dis, rien ne pourrais me faire changer d'avis. Quand à Eler, il le comprendra.

- Tu nous causes encore beaucoup de chagrin. Mais tu reste qu'un loup, et tu préfères retrouver ta meute à notre compagnie. Et bien soit, part, mais sache que tu rates une sacrée fête et que tu n'en reverras pas d'autre comme celle-ci.

- Je te fais confiance pour cela, c'est ta spécialité. Mais j'ai vraiment un mauvais pressentiment, et je dois y aller maintenant.

- Que Dieu te protège, mon cousin, lui dit Maël tout en lui donnant  l'accolade.

- Qu'il te protège aussi. S'il le peut, pensa-t-il pour lui même. »

Ban rejoignit sa monture, et prépara ses affaires. Eler s'empressa alors de le rejoindre. Il avait le visage doux d'un ange et ses cheveux blonds  semblaient déjà lui faire une couronne d'or.

- Nous partons déjà, mon maître ?

- Non, Eler, tu restes avec Maël. Nos chemins se sépare ici car tu n'as désormais plus besoin de mon enseignement. Maël va te faire l'honneur de te prendre à son service. Montres toi s-en digne, c'est le meilleur seigneur de Bretagne que je connaisse. Il a bon cœur   et te récompensera largement. Tu sera ce soir chevalier de Cornouaille, et je suis fier de toi.

-  Mais Maître, je pensait devenir chevalier à votre service …  , insista Eler.

- Landeleau est trop petit pour entretenir plusieurs chevaliers, il y a déjà mon frère et moi. Et tu vaut bien mieux que de rester écuyer d'arme à vie.

- Et la cérémonie si vous partez maintenant vous n'y assisterez donc pas ?

- je regrette mais je m'inquiète trop pour ma femme et notre enfant. Il faut que je parte maintenant. Ne t'inquiète pas, nous nous reverrons et ce sera alors d'égal à égal. Prend soi de toi.

                 

                 

Et sans dire un mot de plus, Ban enfourcha prestement Unoued son destrier à la robe presque entièrement noire mise à part les balsanes et le museau blancs, le talonna d'un coup sec et parti au galop laissant Eler immobile, hébété par ce changement de programme inattendu pour lui.

 

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Commentaires
M
Dans cette nouvelle version, j'ai rajouté quelques détails mais j'ai surtout intégrer un nouveau personnage : Eler, l'écuyer de Ban. En effet que serai un chevalier sans son écuyer ... <br /> Bon d'accord, Ban le quitte déjà mais rassurez-vous, on le retrouvera plus tard car il est destiné à un brillant avenir. ^^
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